L'Evangile selon Pilate by Schmitt Eric-Emmanuel

L'Evangile selon Pilate by Schmitt Eric-Emmanuel

Auteur:Schmitt, Eric-Emmanuel [Schmitt, Eric-Emmanuel]
La langue: eng
Format: epub
Tags: Roman Historique
Éditeur: Le livre de poche, Historique
Publié: 2011-12-02T23:41:21+00:00


De Pilate à son cher Titus

La journée que je vais te raconter m’a plusieurs fois contrarié, agacé, mais elle se finit comme je n’osais l’espérer. J’ai hâte de t’en livrer la conclusion bien que la conclusion elle-même ne vaille que par le raisonnement qui y conduit.

Tu sais quel était mon état hier soir. Je pensais avoir repéré les manigances d’Hérode dans ce filet plein de nœuds. Je l’avais menacé d’un rapport à Tibère et j’attendais donc, sachant l’homme plus rusé que courageux, son repentir aujourd’hui.

À l’aube, le centurion Burrus sollicita une audience. Le visage un peu congestionné, il me demanda d’une voix oppressée :

— Est-il vrai que le sauvage, là-bas, dans la cour, est ton hôte ?

De la fenêtre, il me désigna, au cœur de notre enceinte, une couche de fortune où était allongé Craterios, à moitié nu dans ses peaux de bêtes.

— Naturellement, Craterios fut mon maître avant que je ne porte la toge virile. C’est un philosophe cynique d’une grande puissance, sais-tu ?

Burrus devint encore plus rouge.

— Oh ça, pour la puissance, je n’en doute pas. Il suffit de se pencher pour voir.

— Que veux-tu dire ?

Je regardai plus attentivement en bas et je ne pus retenir un cri. Sans attendre nous avons dévalé les marches pour rejoindre Craterios.

— Salut Pilate, la journée s’annonce bien !

Craterios, d’ordinaire grognon, nous adressait un large sourire. Délesté de ses peaux, de sa besace, il se tenait allongé sous le soleil jaune paille du matin.

Je n’avais pas rêvé : Craterios, son énorme sexe turgescent à l’air, était en train de s’astiquer allègrement le membre au milieu de la cour. Et notre présence, nos visages ébahis ne changeaient rien au va-et-vient de la main.

— Je pense que je vais rester quelque temps à Jérusalem, continua avec naturel Craterios. J’ai parlé hier avec ton épouse, Claudia Procula – une femme qui vaut mieux que ses bijoux –, elle m’a expliqué cette religion juive et, ma foi, à ma grande surprise, je l’ai trouvée assez intéressante. Étonnante même. Sais-tu, de toutes les religions que je connais, c’est la seule qui se rapproche de la philosophie ! Comme chez nos maîtres grecs, on n’y parle que d’un Dieu, un seul Dieu, l’unique.

Craterios discutait, posé, sérieux, comme si sa main ne se fut pas occupée de son bas-ventre. Mais je n’arrivais pas à l’écouter, une telle indépendance entre la tête et les organes génitaux m’étant impossible.

Je tendis mon doigt vers le lieu d’agitation et demandai à Craterios :

— Dis-moi, Craterios, mènes-tu un exercice-philosophique ?

— Thérapeutique, dirons-nous plutôt. Thérapeutique et moral ! Thérapeutique car, lorsque le corps déborde de semence, ainsi que le conseillait Hippocrate, il faut prêter le poignet à la nature pour expulser les fluides. Moral car je tiens à ma liberté de penser et d’agir, et je ne veux pas devenir l’esclave de mes couilles. Si je ne prends pas la peine de les vider tous les matins, les fluides me montent à la tête, je deviens fou, je fais des bêtises.

— Je me demande bien ce que peut être une bêtise pour toi.



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